Entre bibliophilie et curiosité

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Au début du XIXe siècle, Montpellier compte 10 % de protestants parmi ses habitants. Loin de son passé de capitale de la Réforme, la ville accueille néanmoins une communauté de cette confession puissante et dynamique, qui gère les finances et le commerce. Le négociant Louis Médard y a élu domicile et entretient des relations amicales et professionnelles avec le réseau protestant. Ce sont des liens profonds mais peu documentés : on connaît des échanges avec les pasteurs Michel - qui lui offre un ouvrage sur la liturgie de Genève - et Grawitz. Quant à ce dernier, il pourrait être à l'origine de quelques orientations que Médard donne à sa bibliothèque, comme le choix d’éliminer certains livres jugés peu utiles et « dangereux ».
 
Cependant, le bibliophile n’avait pas hésité à acquérir des ouvrages virulents contre l’Église catholique, liés aux conflits confessionnels causés par la Réforme et aux successives controverses religieuses. Parmi ces livres, on énumère les pamphlets contre la messe et les textes dénigrant le pape ou l’autorité romaine, du Divorce céleste à la Mappe-monde papistique qui devait être illustrée par une spectaculaire carte gravée en 16 planches. Sans oublier les jésuites, accusés d’avoir instigué la révocation de l’édit de Nantes et caricaturés férocement avec plusieurs moines dans le Renversement de la morale chrétienne (ouvrage hollandais exposé au rez-de-chaussée du musée).
 

 

Or, cette collection tendancieuse, que Médard classe sagement dans son Petit catalogue et range dans une armoire fermée, ne semble pas un instrument de bataille idéologique. Même si gourmand des témoignages historiques du protestantisme, le bibliophile n’est pas dans une démarche de prosélytisme. En revanche, on peut lui accorder le plaisir de posséder ces curiosités en tant que membre de l’Église réformée. Ainsi, voulant transmettre sa bibliothèque dans un but éducatif, Médard écrit au curé de Lunel pour désamorcer tout équivoque :
 
« En léguant mes livres à ma ville natale, je lui confie des amis qui ne m'ont jamais trompé, et qui m'ont toujours donné des jouissances. Protegez-les [sic] Monsieur le Curé : plusieurs sont dignes de votre estime et aucun n'est dangereux pour l'homme mur et probe. Si quelques uns renferment des erreurs, qui les connait [sic] et les juge avec discernement, peut les combattre avec calme et sagesse. Mon culte varie un peu du votre, Monsieur le Curé ; mais une même morale nous rallie, et cette fille chérie de la Divinité produit l'honnête homme et lui conseille d'être utile à son semblable. »

 

Ouvrages extraits du Petit catalogue de Louis Médard