C'est archivé ! - Mesurer la ville… et la taxer ! Le cadastre napoléonien

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Le cadastre napoléonien de la ville, constitué de dix-neuf planches cadastrales, offre un véritable cliché de la ville du début du XIXe siècle. Institué par la loi du 15 septembre 1807, il s’agit du plus ancien cadastre parcellaire français au niveau national.

 

Mesurer la ville… et la taxer !

Le cadastre napoléonien

 

Nous sommes ici face au cadastre dit « napoléonien » de la ville. Daté de décembre 1812, il s’agit d’un outil fiscal permettant de connaître propriétés et propriétaires de l’époque et, ainsi, d’évaluer le produit imposable de chaque parcelle.

Institué sous Napoléon 1er, il s’agit du plus ancien cadastre parcellaire français au niveau national. Il succède aux compoix et estimettes locaux de l’Ancien Régime, de qualités variables. Lunel compte ainsi plusieurs compoix1, dont le plus ancien date du XIVe siècle.

La loi du 15 septembre 1807 impose la création d’un cadastre parcellaire2. Mesures de parcelles, confection de plans, classement des parcelles, évaluation du produit imposable de chacune d’elles, rassemblement des parcelles par propriétaire… Les documents et les étapes sont nombreux pour déterminer le produit imposable total de chaque propriétaire.

Cependant, la ville ne compte que ces quelques planches cadastrales datant de cette période au sein de ses fonds. En effet, à cette époque, Lunel ne prend pas part à l’établissement du cadastre, que ce soit de manière financière ou organisationnelle, hormis l’accueil des géomètres sur son sol.

L’établissement du cadastre dépend alors de l’État, et ce n’est qu’avec la loi de 1821 qu’il devient l’affaire des communes et des départements.

Un macaron, présent sur la feuille d’assemblage des planches cadastrales de la ville, confirme ce point. Si le nom du maire de la ville, M. Valantin, est cité, nous retrouvons également le nom du préfet de l’époque, M. Nogaret, ainsi que celui du directeur des Contributions, M. Tesses, alors sous l’égide du ministère des Contributions et Revenus publics3.

 

Le cadastre lunellois, constitué de dix-neuf planches cadastrales, parcourt l’ensemble du territoire de la commune. Il offre un véritable cliché de la ville du début du XIXe siècle.

La première feuille est un tableau d’assemblage des autres planches cadastrales qui permet de se faire une idée de la disposition de ces dernières, les unes par rapport aux autres. Lunel se présente alors sous la forme d’un centre bâti, la section G, qui tient sur une feuille cadastrale, et de terres peu construites, les sections de A à F, qui comptent 17 feuilles.

 

Tableau d'assemblage section  G  Tableau d'assemblage

 

La section G, de taille réduite, montre un centre urbanisé et compte plus de neuf cents parcelles pour environ 4 300 habitants4. Les zones bâties sont représentées en rouge et certains détails ont été ajoutés : le port du canal, devenu aujourd’hui un parking, le cimetière, qui était alors juste en face du port, le clocher de l’église Notre Dame du Lac, et même les puits et fontaines de la ville, tous les détails sont représentés…

 

Section G

Détail section G1
   
Puits Port et cimetière

 

Les autres sections couvrent des superficies beaucoup plus importantes que la section G mais ne comportent que très peu de bâtiments. Les mas lunellois, historiquement connus, en sont la plus grande part, comme le sont, au sein de la section B de Boucarié, le Mas de Robin et plus encore le Mas de Fourques, propriété future de Jean Hugo, arrière-petit fils de Victor Hugo et artiste reconnu5.

 

Mas de Fourques Mas de Robin

 

 

 

Section B

 

Ces planches ont, depuis leur création, traversé l’Histoire. Elles furent tout d’abord utilisées, par les services fiscaux et ont évolué avec la ville. Un encart à ce sujet est présent sur la planche contenant la section G.

 

 

 

« Croquis de l’ancien fossé ou glacis

vendu par la ville de Lunel à des particuliers

Échelle 1 à 1 000

Lors de l’imposition du Glacis de 1860 et 1864

les parcelles 817 bis, 815 bis et 818 bis ont été classés

sous la section G et les parcelles 607 et 605 dans le secteur D »

 

Il indique ainsi l’apparition de cinq nouvelles parcelles, créées suite à la vente de l’ancien fossé ou glacis de la ville à des particuliers.

Cette vente est confirmée par les délibérations du 11 novembre 1859 et de février 1860. Ces dernières indiquent la volonté du conseil municipal d’établir un boulevard entre la Glacière à abattoir de la ville6.

Les chemins vicinaux sont alors réorganisés et élargis grâce au comblement des fossés entourant la ville, réglant certains problèmes sanitaires ; l’actuel boulevard Diderot commence ainsi à apparaître. La disparition des fossés et l’abandon de certains chemins entraînant un excédant de terrains, les espaces restants sont vendus par parcelles à des particuliers, et les modifications sont reportées par la suite sur le cadastre.

Ces planches finiront néanmoins par être abandonnées au profit de nouveaux plans cadastraux effectués en 1930. La population a doublé depuis le début du XIXe siècle, et le paysage communal a beaucoup changé, rendant indispensables de nouveaux relevés.

En tant que document historique et patrimonial, le cadastre napoléonien est toujours conservé au sein des Archives municipales et a bénéficié d’une restauration complète en 2019. À cette occasion, il a perdu sa reliure datée du XXe siècle, en mauvais état, et a été entièrement nettoyé et réparé.

 

Avant restauration Avant restauration Après restauration

 


 

1 Anciennement, en histoire, matrice cadastrale établie dans chaque diocèse du Languedoc au XVIIe siècle : https://www.universalis.fr/dictionnaire/compoix/, consulté le 25/02/2022.

2 https://archives-pierresvives.herault.fr/archives/archives/fonds/FRAD034_3P/view:fonds/n:34 consulté le 10/02/2022.

3 https://www.vie-publique.fr/fiches/21810-y-t-il-toujours-eu-un-ministre-des-finances-en-france, consulté le 23/02/2022.

4 4235 habitants en 1803 : 1F3, « Recensement de la population, ans ii, viii, xii, 1820 », Archives de Lunel.

5 http://www.ot-paysdelunel.fr/Decouvrir/Decouvrez-le-Pays-de-Lunel/Les-grandes-figures-du-Pays-de-Lunel/Jean-Hugo, consulté le 23/02/2022.

6 1D16, « Délibérations du conseil municipal, 12 novembre 1857 – 9 mai 1866 », Archives de Lunel.


Article rédigé par Laura Bussat, archiviste de la ville de Lunel.

Publié en mars 2022.