Tassin, un cartographe à toutes les échelles

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Tassin, un cartographe à toutes les échelles

 

« L'histoire passe par les mêmes chemins que la géographie. »

François Mitterand

Christophe Tassin était un ingénieur géographe du roi de France qui apparaît dans les sources dès 1630. Resté célèbre pour ses petits atlas oblongs, il a cartographié une grande partie des royaumes européens (France, Espagne, Portugal...).1

Nous sommes ici face à l’un de ses atlas cartographiques, rassemblant les « Plans et profilz des principales villes de Languedoc avec la carte generale & les particulariters de chascun gouvernement d’icelles. », daté des années 1650.

 

 

Ce document comporte quarante-sept eaux fortes cartographiques dont trois s’intéressent à Lunel et à ses environs.

La ville est ainsi replacée dans son contexte de l’époque, tout d’abord dans sa province, le Languedoc, puis dans son gouvernement avant d’être représentée de manière plus précise.

En 1650, Lunel appartenait tout d’abord à la province du Languedoc, sujet de cet atlas. Cette province s’étendait alors de l’Ardèche à l’Aude et remontait jusqu’au Tarn, et à la Haute-Garonne actuelle.2

 

Le sommaire du document rend bien compte de l’étendue de ce territoire : des villes aussi éloignées que Privas et Toulouse sont ainsi présentes.

 

Quelques cartes générales de la province se trouvent au début de l’atlas. La région lunelloise bien que visible sur la deuxième planche, ne montre pas la ville. Certaines villes alentours sont néanmoins mentionnées : Sommières, et Candillargues par exemple.

 

 

Une curiosité est également visible : une ville nommée Limargues se trouvait à l’époque près de Sommières. Quelle est cette ville inconnue, que lui est-il arrivé ?

Au vu de sa position, un changement de nom semble être l’hypothèse la plus plausible. Il s’agirait de l’actuelle Aimargues.

 

 

La trente-troisième planche montre quant à elle Lunel et son environnement immédiat de l’époque : son gouvernement, tout d’abord, puis ceux de Sommières et d’Aimargues.

 

 

Lunel était alors le chef-lieu d’une baronnie rattachée au Royaume de France depuis 1295.3

Elle exerçait sa prééminence sur les villettes ou villages alentours. Leur nombre exact reste néanmoins difficile à établir. Aucune frontière séparant le gouvernement de Lunel et ceux de Sommières et Aimargues n’apparaît sur la carte, et les historiens n’arrivent pas forcément à se mettre d’accord sur le nombre de villettes sous l’influence de Lunel à cette époque. Ainsi, Claude Raynaud, dans son Archéologie d’un village languedocien, Lunel-Viel (Hérault) du Ier au XVIIIe siècle, Mémoires d’Archéologie Méditerranéenne, publié en 2007, parle de seize villages4, alors qu’une archive de Satusargues, cotée 294 EDT 64 et conservée aux Archives départementales de l’Hérault n’en évoque qu’une dizaine5.

Sur la troisième et dernière planche s’intéressant à Lunel, nous trouvons une représentation des contours de la ville aux environs de 1650. Il s’agit de la plus ancienne carte de Lunel connue à ce jour.

 

 

 Lunel était alors sous la seigneurie du comte de Mascarin Ferrachio, mort en 1647 ou d’Edmond de Servient, seigneur de Cossai et de la Balme, à compter de 1654.6

L’extérieur de la ville est assez détaillé. Trois ensembles de bâtiments se remarquent : un quartier extérieur, peut-être un domaine religieux, au-dessus de Lunel, et deux domaines agricoles, l’un à gauche et l’autre en dessous de la ville. Quelques champs cultivés sont également représentés. L’intérieur de Lunel est quant à lui totalement absent.

 

 

Détail amusant, la ville, de forme ovale, est fortifiée sur la carte.7

Fossés, tours de guets et murailles sont visibles, protecteurs. Un mur effondré se remarque même en bas à droite de l’enceinte, juste à côté de l’étiquette « Lunel ».

 

 

Pourtant, selon les archives8, les murailles ont été détruites en 1634, à la suite d’un ordre du roi Louis XIII de 1632. Lunel avait en effet été prise et utilisée par Gaston d’Orléans, frère du roi, lors d’une révolte de sa part la même année.9 Anachronisme, mauvaise datation des planches cartographiques ou volonté de montrer que la ville était alors toujours cantonnée dans ses murailles malgré leur disparition ? La question se pose même si la réponse ne sera très probablement jamais connue.

Cet atlas a été acquis par les Archives municipales de Lunel en 2021 pour compléter les fonds de la ville.


1Fiche TASSIN Christophe, « Identifiants et référentiels pour l’enseignement supérieur et la recherche », https://www.idref.fr/098830597, consulté le 20/12/2022.

2Élie PELAQUIER, Atlas historique de la province du Languedoc, 2009, p. 20 et 30.

3Scripiec Emilie. Lunel (Hérault) et son terroir d’après le compoix de la fin du XIVe siècle. In: Archéologie du Midi médiéval. Tome 25, 2007. pp. 85-103, p.86.

4Lunel-Viel, Valergues, St-Brès, Lansargues, St-Nazaire, St-Just, Des Ports, Marsillargues, St-Julien-de-Corneillan, Dassargues, St-Estève, St-Jeande-Nozet, St-Paul-de-Cabrières, Vérargues, Gallargues et Villetelle.

5"La baronie de Lunel englobe les communautés de Boisseron, Lansargues, Lunel, Saint-Christol, Saint-Nazaire, Saint-Sériès, Saturargues, Sommières, Vérargues, Villetelle. ». https://archives-pierresvives.herault.fr/ark:/37279/vta5ed2460f009a0b5f, site des Archives départementales de l’Hérault, consulté le 20/12/2022.

6Thomas MILLEROT, Histoire de la ville de Lunel, 1993, p. 328-329

7Carte datant des années 1650 selon la BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10661165m, consulté le 21/12/2022.

8BB4, "Libvre des deslibérations des années 1634 jusques à 1636", Archives de Lunel, p.15.

9Thomas MILLEROT, Histoire de la ville de Lunel, 1993, p. 352.

 


Article rédigé par Laura Bussat, archiviste de la ville de Lunel.

Publié en janvier 2023.